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Julie Kister

Et 6mois​ je te disais que j’aime le photojournalisme ?

Une photographie est du temps figé sur le papier, un morceau de vie qui ne se reproduira jamais parfaitement. Elle est ardente ou permanente, prise au vol ou préparée, elle raconte une révolte

ou la vie simple et tout le monde comprend son message, tout le monde prend soudainement conscience de la réalité qu’elle montre parce que tout le monde ​voit​. Chez les Anciens, la vue - l’​autopsie​, soit “ce qu’il a vu lui-même” - primait dans la description de la vérité ; et l’homme contemporain continue à plus facilement croire ce qu’il voit que ce qu’on lui dit.

Alors, quoi de mieux alors pour découvrir de nouvelles facettes du monde qu’une revue de photojournalisme ? ​6mois contient trois cent pages de magnifiques récits photographiques, mêlant les textes et les images de photographes du monde entier. En le lisant j’ai le sentiment que j’ignorais tout un pan de ce XXIe siècle, notre siècle que la revue s’applique à nous faire découvrir tant et tant qu’après lecture on a l’impression qu’avant on était ignorant et que maintenant, on sait un peu plus. Les images, expliquées, prennent une dimension supérieure, les vies semblent grandioses et belles malgré, parfois, la douleur, et on se dit que, finalement, s’appliquer à montrer cette vie si plurielle est une tâche infinie mais ô combien importante. Je lis beaucoup de romans, je pense que les livres peuvent profondément influencer les individus, mais parfois la phrase-bateau qui énonce que “une image vaut mille mots” prend brusquement sens lorsque cette image nous confronte à une réalité, certes soigneusement choisie par le photoreporter, mais à laquelle on ne s’attendait pas. J’ai vu l’Amérique dorée et les villages de Louisiane presque submergés par l’eau salée, j’ai vu les skinhead italiens et les yakuzas japonais, les dessous de la guerre d’Irak et les américains qui suivent la messe dans leur voiture, sur un parking. Certains photographes racontent l’histoire de leur père en photo, d’autres témoignent du stress post-traumatique lié aux reportages de guerre. A travers les pages, on visite la Russie du Grand Nord, l’Iran des jeunes et on apprend que des artisans Compagnons partent toujours sur les routes d’Allemagne, perpétuant une tradition plusieurs fois centenaire. Kumaris népalaises (filles-déesses), squatteurs ou grands propriétaires terriens brésiliens, colons Juifs, réfugiés de Crimée, jeunes de Bal-el-Oued (Alger) ou de Chine, on a un peu de la vie de chacun, avec des reportages qui bien souvent débutent un peu par hasard, le photographe rencontre quelqu’un, demande à suivre la personne, se lie d’amitié, parfois la personne photographiée meurt, et le photographe montre les photos pour montrer ces vies difficiles, afin que le monde puisse remarquer qu’au moins, ces vies étaient nées.

Les sujets abordés, légers, graves ou cruciaux, peuvent paraître banals et peu excitants au vu du grand nombre de vidéos qui en traitent, mais je vous assure que 6mois les traite d’une magnifique manière, rendant justice à la beauté et respirant le sérieux, la vérité et l’art. Les détails y sont importants, tout comme le global. Ce ne sont pas de simples photographies mais de vraies œuvres que vous verrez, de tout style et de toutes techniques, et chaque photographe transmet une ambiance particulière, avec un côté littéraire et esthétique qui me plait beaucoup. J’y ai découvert une de mes photographes préférées, Rena Effendi. J’ai aussi lu des parts de vies de personnes normales qui photographient leur quotidien normal qui dans

la revue semble beau ; on considère alors le nôtre sous autre œil, plus ​photographique​, et ça nous aide à prendre conscience que, si ce que les autres vivent peut être photographié de manière à ce que ça nous semble beau et intéressant, alors notre propre vie pourrait également être photographiée ; on apprécie alors mieux la beauté de ses détails.

6mois est une revue semestrielle et suis une organisation précise. Un sujet global est consacré par trois reportages (le “triptyque”), puis il y a de nombreux récits, un album de famille, une rubrique mémoire, une photobiographie, des photos comiques, des sujets d’actualité et une interview d’un photojournaliste. Après chaque reportage, quelques pages traitent plus profondément du sujet, l’expliquant ou le précisant. Le dernier numéro de 6mois (automne 2020 - hiver 2021) présente le côté peu glorieux des Etats-Unis dans un triptyque intitulé “Good bye America” (​L’envers du rêve - Le ventre des femmes-Cruellefrontière)​,etsesrécitsphotographiquesnousfontplongerdansles sanatoriums de l’ex-URSS mais aussi dans l’enfer vécu par les migrants prisonniers dans une Libye en pleine guerre civile. La photobiographie revient sur l'ambiguë Aung San Suu Kyi et le photographe iranien Reza, qui a immortalisé Khomeiny, le commandant Massoud ou Kadhafi, est interviewé. Enfin, quelques artistes racontent leur confinement en photo dans les premières pages, tandis que d’autres montrent des villes fantômes, des carrés de ciel ou des silhouettes reproduites grâce à une caméra thermique.

Je serai honnête en vous disant que j’ai adoré tous les numéros ; les photobiographies m’intéressent un peu moins mais la qualité du reste me fait l’oublier. 6mois m’a fait découvrir un nombre incalculable de choses, de France comme d’ailleurs. Je ne peux que vous conseiller de vous procurer un numéro, en l’achetant ou en l’empruntant dans une bibliothèque (puisqu’elles sont généralement abonnées). Je vous souhaite d’être comme moi saisis par la lumière des regards, les paysages fantasmagoriques et plus généralement d’être touchés par ce monde sombrement lumineux dont les photographes nous aident à prendre conscience.



6mois, le XXIe siècle en images, ​https://www.4revues.fr/6mois/​, @revue6mois

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