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Marie Boron

Petite fille, un documentaire coup de cœur en cette fin d'année

“Sasha, depuis longtemps maintenant, se sent… Non c’est pas qu’elle ne se sent pas… Sasha est une petite fille, dans un corps de garçon.”, explique Karine au médecin de famille, incompétent en la matière. “Au départ Sasha me disait ‘quand je serai grand, je serai une fille’ et puis c'est resté jusqu' au jour où j’ai vraiment compris…”, poursuit-elle. “Donc cette passade…” tente de compléter l’interlocuteur. “Ça n’est pas que ça revient, c’est que ça ne part pas. C’est que Sasha EST une fille. Sasha déteste son zizi, Sasha déteste le fait de ne pas pouvoir porter un jour un bébé dans son ventre... c’est quelque chose dont Sasha me parle, ça.”


Sasha est une fille, enfermée dans un corps de garçon. Elle le sait, ses parents ont fini par le comprendre, et ce sera le combat de leur vie que de faire reconnaître à la société qui elle est vraiment.





Diffusé en prime time mercredi dernier, le nouveau documentaire de Sébastien Lifschitz a explosé les records d’audience avec plus de 1 357 000 spectateurs. Un engouement très rare, voire même inédit, pour un documentaire TV. Si vous avez loupé le bouleversant Petite fille, il est encore possible de le découvrir sur Arte.fr. Pourquoi est-il si urgent de visionner, ce qu’on peut certainement qualifier de documentaire de l’année ?


Petite fille, c’est 83 minutes d’une intensité émotionnelle hors du commun. Sebastien Lifschitz, dont le talent naturaliste n’est plus à démontrer depuis les Invisibles (2012) ou le plus récent Adolescentes (2020), a ainsi reçu une ovation lors de la dernière Berlinale. Caméra à l’épaule, le réalisateur nous plonge dans l’intimité d’une famille en lutte pour la reconnaissance de Sasha, leur petite fille qui est née garçon. Malgré la courte période d’un an de tournage, ce documentaire réussit sans conteste à nous faire ressentir la douleur viscérale d’un enfant transgenre.


On découvre ainsi la “dysphorie de genre”, c’est-à-dire le fait de se sentir du genre (masculin ou féminin) opposé à celui qui nous est assigné à la naissance par notre sexe. Sasha est née avec un “zizi” qu’elle refuse. Sasha doit porter des habits de petit garçon qui l’étouffent. Sasha subit une constante mise à l’écart dans ces espaces supposés “d'exaltation”, comme la cour de récré ou les cours de danse... Ce qui entraîne une détresse psychologique sans nom chez Sasha, comme chez presque toutes les personnes transgenres. Il s’agit, d’une part, de comprendre ce qui leur arrive, puis de pouvoir le formaliser auprès de leur famille, de leurs proches et de la société, en l'occurrence ici pour notre petite fille, des institutions que sont l’école et le conservatoire.



Sébastien Lifschitz suit la famille pendant une année cruciale pour Sasha. Il s’agit de la faire reconnaître en tant que fille dans une école plus que réfractaire au changement de genre et qui refuse, entre autres négations de l’enfant, de passer du pronom “il” au pronom “elle”. On se prend alors d’admiration pour la lutte de la mère et de sa fille, épaulées par une équipe médicale d’une attention exceptionnelle, prête à tout pour les accompagner et voire même, d’envisager une transition de sexe à l’avenir. Nous nous retrouvons, encore plus que les protagonistes, démunis face aux obstacles qui empêchent Sasha de vivre pour ce qu’elle est…

En même temps que l’émotion nous submerge, nous éprouvons irrémédiablement de l’amour pour Sasha, petite fille de 8 ans, d'une maturité surprenante et d’un courage hors-du-commun.


Petite fille est un documentaire brillant en ce qu’il peut susciter chez chacun de nous une empathie insoupçonnée. C’est une ode aux plus courageux, qui luttent pour faire comprendre et respecter leur différence. C’est une leçon de vie, le combat d’une vie.


Alors n’hésitez plus. Ouvrez votre Laptop et regardez le brillantissime Petite fille !

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