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Singulier surréaliste : Victor Brauner à œil ouvert

Figure singulière, néanmoins centrale du mouvement surréaliste auquel il a participé de 1933 à sa mort, Victor Brauner (1903-1966) est célébré dans une remarquable exposition au Musée d’Art Moderne de Paris. Né en Roumanie et influencé par les effervescences artistiques du premier XXème siècle qui parcouraient alors l’Europe, Brauner se distingue par une radicalité esthétique et fascinante.

Victor Brauner, Cérémonie, mai 1947. Huile sur drap de coton rentoilé (190 x 238 cm). Crédit photographique : Fonds de dotation Jean-Jacques Lebel et Hopi Lebel Victor Brauner © Adagp, Paris 2020 Jean-Louis Losi © Adagp, Paris 2020


Programmer la rétrospective d’un artiste surréaliste protéiforme dans une époque où la réalité semble être durablement dépassée relève d’un pertinent hasard, si tant est qu’il fut possible de parcourir les allées du MAM Paris, pour y découvrir le travail de Victor Brauner. À travers une riche monographie, regroupant près d’une centaine œuvres, on découvre un univers unique, empreint de chimères et d’ésotérisme, de motifs étranges récurrents et d’images magiques saisissantes ; un univers fantastique et coloré qui est tantôt fascinant, tantôt déroutant. Brauner nous interroge sur une réalité détournée, manipulée, subjectivée. Car l’art de Brauner frappe par son entrée dans la vie intérieure, faite de rêves inaboutis, d’obsessions, de désirs, ou de fantasmes. Brauner les peint et les rend visible, dans toute leur crudité et toute leur brutalité, il laisse le spectateur face à sa propre intériorité qui se révèle sensible sur une toile. Au cœur de son travail spiritualiste naissent des bestiaires et cosmogonies où se confondent formes humaines, matérielles, végétales ou animales dans un kaléidoscope d’une symbolique étrange, inclassable, hypnotique.


Victor Brauner, Autoportrait, 1931

S’il est un symbole caractéristique de Brauner, l’œil pourrait être une figure centrale qui le suit dans son œuvre protéiforme et surtout dans sa vie. L’exposition propose en effet une vision chronologique et cohérente d’un travail qui évolue en permanence, et particulièrement avant, pendant et après la Seconde Guerre Mondiale, que l’artiste transnational et juif qu’est Brauner subit. La rétrospective retrace pertinemment comment il est devenu un « voyant », selon André Breton, reconnu par ses pairs surréalistes, avec qui il partage l’obsessionnelle fascination pour l’œil et sa symbolique. Lorsqu’en en 1931, il peint un Autoportrait à l’œil énucléé, il propose une vision qui s’avèrera prémonitoire sept plus tard lorsqu’il perd effectivement son œil dans une rixe ; en un « hasard objectif », Brauner rejoint durablement le groupe surréaliste, jusqu’à son exclusion en 1948. L’influence surréaliste sur la main décidément très libre de Brauner est observable dans une fascinante salle regroupant des dizaines de dessins de l’époque précédant son entrée dans le groupe. Des dessins de la période 1925-1930, on découvre un regard déjà avisé, une main adroite, un sens de la formule, sa symbolique extravagante se met en place. En quelques traits, Brauner remanie les corps, dans une grande sensualité, devenant des puzzles s’imbriquant les uns aux autres, formant d’étranges amas organiques et désordonnés.


Brauner nous invite à regarder le monde dans son dépassement permanent, avec une vision percutante qui déroge à des évidences qui poussent le spectateur dans ses retranchements. Il nous ouvre des portes de l’intériorité inconnue de l’être, il nous force à repenser notre monde.



Victor Brauner, Sur le motif, 1937. Huile sur bois (0.14 m x 0.18 m). Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI© Adagp, Paris, 2020.





Voir la vidéo de présentation de l’exposition : https://youtu.be/uobsQHdyKGw

« Victor Brauner. Je suis le rêve. Je suis l’inspiration », Musée d’art moderne de Paris, 11, avenue du président Wilson, Paris 16e. Jusqu’au 10 janvier 2021 (si les musées réouvrent un jour).



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